Gagner du temps en semant les couverts avant la moisson
Expérimentation. Semer les intercultures avant la récolte des céréales est possible. Les Bretons travaillent cette pratique très économique en argent comme en temps.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Pour être rentable, un couvert végétal doit produire beaucoup de biomasse, afin de capter et recycler les éléments fertilisants. Cela implique de semer tôt. Or, la période qui suit la moisson est souvent très chargée. Le semis des couverts n’apparaît pas prioritaire.
Pourtant, il existe une forte différence de rendement entre les semis mi-août et mi-septembre. « Trois semaines d’écart se traduisent par un volume de biomasse divisé par deux », explique David Bouvier, à la chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor.
Maxi Couv’, un réseau d’agriculteurs
Depuis 2013, un groupe d’agriculteurs des Côtes-d’Armor réfléchit à cette problématique de la date de semis. Le réseau Maxi Couv’est né de leurs préoccupations. Animé par la chambre d’agriculture de Bretagne dans le cadre d’un contrat passé avec le Smap (Syndicat mixte Arguenon Penthièvre), il rassemble une vingtaine d’agriculteurs.
Plus de 200 parcelles ou microparcelles ont été suivies ainsi depuis 2014. Il s’agissait de mettre au point un itinéraire technique fiable pour semer à la volée des intercultures ou des dérobées directement dans les céréales. Deux pistes ont été explorées. La première consiste à semer le couvert au moment de la moisson. Elle a été testée à la station expérimentale des chambres d’agriculture de Kerguéhennec (Morbihan). Un petit épandeur a été placé sur la moissonneuse pour semer à la volée. Le résultat n’est pas concluant. Le manque d’humidité pénalise la germination.
Une deuxième solution a été testée avec l’idée d’enfouir la graine pour faciliter la levée. Une rampe de semis à disques a été installée sur la moissonneuse, sous la cabine. La machine a été construite par une entreprise locale, Labbé Rotiel, conformément au cahier des charges écrit par la chambre d’agriculture. « Pour réduire les coûts, l’engin a été fabriqué avec du matériel de récupération. » Des essais réalisés en 2018 montrent que l’interculture se développe bien.
Mais certains agriculteurs ne souhaitent pas ajouter cette tâche au moment de la moisson. D’où l’idée de semer un peu avant. « Des céréaliers implantent du colza dans les céréales avant la récolte, nous nous sommes inspirés de cette pratique », explique David Bouvier.
Un semis à la volée
Pour commencer, il a semé de la moutarde à la volée et à la main sur une petite surface deux jours avant la moisson. Les résultats ont été très encourageants. Il a recommencé avec une douzaine d’espèces différentes. Toutes ne se sont pas développées, mais il s’est avéré que les crucifères, les radis et la phacélie pouvaient très bien se comporter dans ces conditions. D’une manière générale, les petites graines sont mieux adaptées à ce type de semis. Elles peuvent lever sans travail du sol grâce à l’humidité résiduelle sous la céréale. Restait à mécaniser le semis, sachant qu’il fallait passer dans les traces de roues réalisées au moment des traitements. Une entreprise locale (Ets Devrand, à Trédias, dans les Côtes-d’Armor), est membre du réseau. En 2017, elle a mis au point un premier semoir, acheté par le Smap et mis à disposition d’une Cuma.
Des coûts réduits de 60 %
La chambre d’agriculture a suivi vingt-six parcelles de couverts afin de comparer différentes techniques. Seize ont été semées de manière classique avec un semoir à céréales après déchaumage. Six ont été semées en direct après la moisson. Quatre ont suivi le protocole Maxi Couv’. Le semis a été effectué avant la moisson avec le semoir prototype Devrand.
Cette pratique permet de réduire de 60 % l’ensemble de ces coûts liés à l’interculture, y compris la destruction ou la récolte, par rapport à la conduite classique. L’économie moyenne s’élève à 84 % (9 € contre 58,60 €/ha). En comparaison du semis direct, la technique Maxi Couv’ coûte 77 % moins cher (9 € contre 40,70 €).
Le gain de temps est énorme : une heure vingt par hectare. Car le semoir sème à la volée sur une largeur pouvant aller jusqu’à 24 m et en avançant à la vitesse d’un pulvérisateur. Il couvre ainsi 20 ha/h alors que l’implantation classique d’un couvert progresse au rythme de 0,7 ha/h (préparation du sol et semis). Le bénéfice de Maxi Couv’ semble s’étendre aux rendements. Sur les parcelles suivies par la chambre, ils sont en moyenne plus élevés de 10 % (2,6 t de MS/ha, contre 2,31 t). Cet avantage devra être confirmé. « Il est rassurant de voir que le couvert s’est bien développé avec une année sèche comme 2018 », note David Bouvier. Ces observations permettent aussi de préciser les conditions de réussite du semis de couvert à la volée dans une céréale. Mieux vaut intervenir très peu de temps avant la moisson, une semaine au maximum. Cette technique convient dans les parcelles propres. Les vivaces sont particulièrement pénalisantes.
Les éleveurs qui ont essayé apprécient d’abord le gain de temps. De plus, le sol a une meilleure portance, ce qui facilite la récolte ou la destruction du couvert pendant les mois humides. Les couverts bien développés avant l’hiver limitent la croissance des adventices et restituent davantage à la culture suivante. Plus sensibles au gel, ils sont détruits plus facilement. Et en cas de récolte du couvert, l’augmentation du rendement est appréciable.
Quelques réglages à perfectionner
Ils constatent aussi que la floraison se produit plus tôt en automne, à une période où les abeilles ont de gros besoins nutritifs. D’une manière générale, ces couverts qui se développent bien favorisent la biodiversité.
Malgré tout, il existe un risque de mauvais démarrage dans certaines parcelles, qui devront donc être ressemées. « Je suis repassé semer de la phacélie dans les passages de roues et autour du champ, là où la levée était moins bonne », témoigne l’un des agriculteurs du groupe, Dany Felin.
L’outil peut encore être amélioré selon David Bouvier. « Le semoir pèse sur les rampes qui doivent être renforcées. Quand on les replie pour circuler, l’engin reste encombrant. »
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :